La grève du FLN en janvier 1957

Depuis l'arrivée des paras à Alger, les bérets rouges, les bérets verts et les casquettes s'étaient implantés dans les vieux palais et les écoles, mais ils avaient pénétré la Casbah, réquisitionnant par quartier les maisons les plus hautes. Sur les terrasses, ils avaient installé de véritables fortins de sacs de sable et des projecteurs à grande puissance. La toile d'araignée parachutiste enserrait maintenant la Casbah.
Malgré leur présence oppressante, le 28 janvier, jour de grève générale, la Casbah et les quartiers populaires restèrent déserts. Alger suivait les ordres de Yacef. Chaque famille avait fait des provisions. Ben M'Hidi et le C.C.E. avaient publié plusieurs tracts annonçant l'épreuve de force :   Les P.C. des régiments paras, l'état-major avaient eu ces tracts. Ils connaissaient les mots d'ordre que Yacef avait fait circuler :
 Durant les journées de grève ne circulez pas dans la ville européenne.
 Ne sortez pas de la Casbah.
 Evitez tous les rassemblements en des lieux clos, ils pourraient faciliter des rafles éventuelles.
 Hébergez dans vos propres maisons les pauvres, les mendiants, les frères sans logis.
 Faites des provisions de vivres et d'eau pour huit jours.
 Secourez les frères les plus pauvres qui n'auront pu épargner.

A 7 heures du matin des dizaines de milliers d'hommes participent à l'opération antigrève. C'est dans la Casbah qu'elle est le plus spectaculaire. Un seul but : faire sortir les musulmans, faire ouvrir les boutiques. Par la force.
Maison par maison, les portes sont enfoncées. Les appartements visités. Les paras, mitraillette au côté, sortent systématiquement les hommes valides.
Les intérieurs des plus réticents sont saccagés. La Casbah tout à l'heure déserte est maintenant parcourue par de longues files d'hommes abattus.
Les officiers d'action psychologique trient les hommes. Ils attribuent à ceux dont l'aspect indique un niveau social assez élevé les plus basses besognes. On voit des instituteurs, des directeurs d'école, des intellectuels ramasser à mains nues les ordures de la ville. Rue Randon, l'artère la plus large de la basse Casbah, les files de camions attendent près des portes de sortie. Les hommes sont poussés sans ménagement .
Et par vague, on les chasse hors de la Casbah après avoir vérifié les identités. Ceux qui protestent sont embarqués dans les camions jaune sable. Direction : P.C. des unités ou camp « d'hébergement » pour interrogatoire. Personne ne pensait que la Casbah, maquis impénétrable, pût être en quelques minutes investie par tant d'hommes aussi décidés.
Un rien suffit pour être embarqué vers l'interrogatoire. Un mouvement d'impatience. Un je ne sais quoi de fier dans la démarche, un éclair de révolte.Ceux qui trient, qui sélectionnent ont tous fait l'Indochine, ont presque tous subi les camps viets experts en sélection. La guerre psychologique  est dans ce cas précis la plus rentable. Détruire jusqu'à l'idée même de la révolte.

la greve du fln en 1957 à alger

Les hommes sortent. Il faut que les magasins ouvrent. Des camions, des half-tracks pénètrent dans les artères de la basse Casbah où un véhicule peut circuler. Des paras attachent un câble au rideau de fer d'une boutique fermée.
Le half-track démarre. Le rideau remonte, puis se déchire dans un grand bruit de ferraille et de vitrine brisée. Deux, trois, dix, vingt rideaux sont ainsi arrachés. Les autres s'ouvrent. Les commerçants cèdent. Ils ont peur. Dans les rues limitrophes aux quartiers petits Blancs les vitrines béantes sont pillées par des Européens. On laisse faire un moment, pour l'exemple ! Puis les paras freinent l'ardeur des pillards. En haute Casbah, des serruriers forcent les rideaux de fer, des soldats les débloquent à coups de barre à mine.
Plus une maison n'est un refuge sûr. Pendant la journée et la nuit, Yacef Saadi doit en changer à quinze reprises. Il a pris un bidon de lait sous le bras pour jouer le bon Arabe qui travaille. Et les patrouilles lui sourient. Yacef leur rend leur sourire et serre contre lui la MAT suspendue sous son aisselle par le caoutchouc large adopté par tous les terroristes de la Casbah.
L'opération psychologique continue. Après la force, la persuasion. De la musique et des slogans. Comme chez les Viets. Des soldats à casque blanc de la P.M. ont installé des haut-parleurs à tous les carrefours.
Puis dans les ruelles de la Casbah, la musique des zouaves éclate. C'est la fête. En grande tenue les hommes de la musique parcourent, fanfare en tête, toutes les artères. Tout le répertoire y passe. Les femmes, curieuses, apparaissent aux fenêtres. Des gosses sortent et suivent dans l'innocence de leur enfance le cortège rutilant. Des soldats distribuent main­tenant des bonbons aux enfants. D'abord craintifs ceux-ci se pendent par grappes aux généreux distributeurs.

greve fln dans alger en 1957

Aux postes de contrôle, les camions, de plus en plus nombreux, embarquent les suspects. On a ouvert un centre de tri au stade de Saint-Eugène.
L'opération se poursuit pendant quarante-huit heures. Des commerçants qui avaient quitté leur domicile dans les quartiers européens pour se réfugier chez des parents dans la Casbah sont arrêtés. La grève est matée. Les paras ont la Casbah à leur pogne. Le travail efficace peut commencer.

greve fln en 1957
greve fln en 1957
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